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Sa majesté des mouches

The Lord of the flies

Un film de Peter Brook

Durant la Seconde Guerre mondiale, un avion britannique transportant des enfants envoyés par leurs parents en Australie s’écrase sur une île déserte. Seuls ceux-ci survivent, privés de l’autorité des adultes. Livrés à eux-mêmes dans une nature sauvage et paradisiaque, ils tentent de s’organiser. Mais leur groupe vole en éclats et laisse place à une organisation tribale, sauvage et violente bâtie autour d’un chef charismatique…

Comédie dramatique - Royaume-Uni - 1963 - 92 min - N&B - 1.37:1 - VOSTF - DCP - Visa n° 26 988

  • À propos

    Adapté du classique de la littérature britannique écrit par William Golding, Sa Majesté des mouches est une formidable réflexion sur le retour à l’état sauvage. Autour d’un groupe de jeunes garçons, Peter Brook démonte toute notion de civilisation moderne par la création d’une microsociété tribale, où les rites et la violence physique émanent autant de la cruauté enfantine que de l’instinct de survie. Un chef-d’œuvre d’une puissance physique et morale ravageuse, quelque part entre L’Heure du loupd’Ingmar Bergman et la série Lost.

    La montée de la violence – La découverte de l’île paradisiaque… tourne au cauchemar.
    Peter Brook a adapté le célèbre roman d’aventures anglais Sa majesté des mouches (Lord of the Flies) de William Golding, écrit en 1954, et a réussi à en donner une illustration subtile et visuellement prégnante. Metteur en scène de théâtre reconnu, il signe là son premier long-métrage. L’argument, audacieux, consiste en la reconstitution d’une société tribale avec adoration de divinités, rites et violence ou cruauté des enfants. Il n’y a pas dans le roman de regard extérieur, différent de celui que ces enfants portent sur eux-mêmes et sur ce qui les entoure. Semblable en cela, le film narre avec minutie l’apprentissage de ces jeunes à se débrouiller par eux-mêmes et à refonder une microsociété. Leurs capacités d’adaptation sont menacées par cette nature indélébile des hommes à faire le mal.

    La nature.
    Dans ce film proche par certains égards du cinéma vérité, la nature est toute entière chargée du poids émotionnel des personnages. L’enfant se civilise ou, au contraire, redevient sauvage. À l’instar du primitif, il noue des rapports de complicité avec tout ce qui ne parle pas. Dès qu’il s’arrête pour écouter la jungle, ses perceptions sont d’une incroyable intensité. Que ce soit la terre chaude contre laquelle il applique son oreille, l’inextricable forêt dans laquelle il se plonge, l’eau du lagon dans laquelle il se baigne, la fascination envers l’océan dévastateur, le récit offre constamment des images d’une très grande force d’évocation. Le film est à la fois cruel et magnifique. Les enfants s’inventent une croyance qui sert à les unir au-delà de leurs différences. Après la capture d’un cochon dont ils élèvent la tête sur un pique, ils instaurent une sorte de religion animiste dont le « Seigneur des mouches » représente la divinité de l’île. C’est le début de conflits sanglants, d’entre-déchirements et de luttes pour ou contre la civilisation.

    Le livre de William GOLDING
    Nobel de littérature en 1983, il est mondialement connu pour Sa Majesté des mouches, qui est pourtant… son premier roman !

    Il naît en Cornouailles en 1911. Fils d’instituteur, il abandonne des études scientifiques à Oxford pour étudier le grec, décrocher un diplôme de littérature anglaise, publier un recueil de poèmes en 1934, et travailler un temps dans un petit théâtre en tant qu’auteur, acteur et producteur. Il se marie en 1939. Engagé volontaire dans la Royal Navy en 1940, il participe au débarquement en Normandie. Puis il se consacre à l’enseignement, dans la petite ville de Salisbury. Refusé par de nombreux éditeurs, son premier roman, d’une noirceur accablante, paraît en 1954 : Sa Majesté des mouches. À travers la barbarie d’enfants abandonnés à eux-mêmes sur une île déserte se lit tout le pessimisme d’un écrivain marqué par la guerre, et qui a du mal à croire encore en l’Homme. Le livre remporte immédiatement un succès phénoménal, lequel ne fera que s’amplifier au fil des années. La suite de l’œuvre de William GOLDING est moins célèbre, néanmoins, elle continue de creuser le même sillon, de décrire sans cesse la bête qui sommeille en chacun, de montrer l’homme acharné à sa propre destruction, d’évoquer la fragilité du destin humain à travers des flambées de violence. Lauréat du Prix Nobel de littérature en 1983, il publie des romans, mais aussi des nouvelles, des essais et une pièce de théâtre, s’éteignant à Falmouth en 1993. Arieka, son dernier roman, inachevé, a été publié en 2001 à titre posthume.

    L’histoire : une dramatisation du mythe de Robinson
    Sa Majesté des mouches peut être vu comme le négatif d’un classique de la littérature britannique : Robinson Crusoé, écrit par Daniel Defoe et publié en 1719. On y découvre l’histoire d’un naufragé seul sur une île des Caraïbes, qui parvient à se fabriquer un calendrier afin de maîtriser l’écoulement du temps, à élever des chèvres et à lire et relire la Bible. Il songe à tuer des cannibales qui viennent régulièrement sur l’île manger des hommes qu’ils ont fait prisonnier, mais il réalise qu’il n’en a pas le droit, étant donné que les cannibales, qui n’ont pas reçu la même éducation que lui, ne savent pas que leur acte est criminel. Et lorsqu’il se trouve un compagnon, qu’il baptise Vendredi, il lui enseigne la vie d’homme civilisé. Tout le contraire du livre de William Golding, où nos jeunes héros privés de leurs repères retournent à l’état sauvage et à la loi du plus fort…

    Le tournage vu par Peter Brook
    « Trouver l’argent pour Sa Majesté des mouches prit deux années, avec le lot habituel d’exaltations, de déceptions et de conflits. Suivirent le tournage, avec un budget on ne peut plus maigre, et le montage dans une salle de la banlieue parisienne, seul avec mon ami Gerry Feil.»

    « Le pouvoir et le rôle du hasard, ainsi que le principe d’incertitude, étaient alors très en vogue. Le « cinéma vérité » flottait dans l’air. On prenait le son en direct, de telle sorte que les bruits de la rue venaient couvrir les textes, les rendant agréablement incompréhensibles. La manière de faire du cinéma avait trouvé une nouvelle liberté, un nouvel élan. À New York, Richard Leacock me raconta que, après avoir potassé toutes les règles du cinéma, il se contentait à présent de pointer la caméra dans la direction de l’événement, se souciant seulement d’un choix pour son diaphragme : largement ouvert ou très fermé. C’était dit avec humour, mais la remarque de Leacock me fit une forte impression, car pour Sa Majesté des mouches, toutes les conditions – et pas seulement financières – indiquaient que nous allions devoir travailler à Puerto Rico avec les moyens du bord. »

    « Avec un enthousiasme inattendu, des parents nous prêtèrent leurs enfants, mais seulement pour la durée des vacances d’été. N’ayant pas la possibilité de visionner les rushes, nous étions contraints de nous protéger en multipliant les prises, ce qui rendait indispensable le recours à une seconde caméra. »

    Extrait d’Oublier le temps de Peter Brook (Seuil, 1998)

    Le générique : dire, mais sans trop montrer…
    Le début du film est très énigmatique : des enfants en tenue de collégiens anglais se retrouvent sur une plage et dans la jungle qui la borde, sans réellement plus d’explications. Les informations permettant de comprendre la situation ont en fait été données au travers d’un générique capital… mais pas forcément facile à interpréter pour celui qui ne connaît pas encore l’histoire. Ce générique ne sert pas qu’à égrainer les noms de ceux ayant participé à la réalisation du film. Il sert aussi à montrer des images d’archives qui illustrent le background des personnages et de leur situation : photos de garçons dans des collèges anglais, images de la Seconde Guerre mondiale, plans de missiles puis d’avion qui s’écrase. Cette technique d’évocation témoigne du goût de Peter Brook pour suggérer plutôt qu’illustrer – un art du dénuement très souvent à l’œuvre dans ses mises en scène pour le théâtre.

    Le noir et blanc : un manifeste esthétique ?
    Tourné au début des années 60, le film est en noir et blanc, alors qu’à titre d’exemple, Autant en emporte le vent, avec ses couleurs flamboyantes, remonte à… 1939. Sa Majesté des mouches était-il à la traîne ? Lors de sa sortie en 1963, il côtoyait des œuvres comme, en France, L’Homme de Rio de Philippe de Broca, Les Parapluies de Cherbourg de Jacques Demy, Le Méprisde Jean-Luc Godard, ou, aux États-Unis, Cléopâtre de Joseph Mankiewicz, c’est-à-dire des films faisant une utilisation remarquable de la couleur. Mais le noir et blanc n’en restait pas moins à la mode, associé au documentaire et au renouveau du cinéma qui soufflait alors sur de nombreuses cinématographies. Le néo-réalisme italien n’était pas si loin, la Nouvelle Vague française venait d’exploser et le Nouveau Cinéma anglais se profilait. Tous privilégiaient, pour des raisons économiques, mais aussi esthétiques, le noir et blanc. Et c’est ainsi que l’année 1963, Sa Majesté des mouches était également en concurrence avec des films comme Le Feu follet de Louis Malle, America America d’Elia Kazan, The Servant de Joseph Losey, Main basse sur la ville de Francesco Rosi ou Le Silence d’Ingmar Bergman, tous traitant à leur manière des sujets de société, et tous ayant fait le choix de la non-couleur, pour la travailler d’une manière très moderne.

    Infos express
    Peter Brook a passé en revue plus de 3 000 jeunes garçons pour le casting… Hugh Edwards, âgé de onze ans, qui joue Piggy, a décroché le rôle grâce à une lettre écrite au metteur en scène, démarrant par : « Cher monsieur, je suis gros et je porte des lunettes. » Peter Brook a incité ses jeunes comédiens à improviser autant qu’ils le voulaient… Plus de soixante heures de rushes ont été tournées, avant d’être ramenées à un film d’1h31… Le film a été présenté au Festival de Cannes l’année 1963…

    Sortie en salles le 10 octobre 2007
    Sortie en DVD le 22 octobre 2008

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Crédits

    Réalisation : Peter BROOK
    Scénario : Peter BROOK d’après le roman de William GOLDING
    Avec :  James AUBREY, Tom CHAPLIN, Hugh EDWARDS, Roger ELWIN, Tom GAMAN, Roger ALLAN, David BRUNJES & Peter DAVY
    Musique : Raymond LEPPARD
    Directeur de la photographie : Tom HOLLYMAN
    Montage : Peter BROOK, Gerald FEIL & Jean-Claude LUBCHANTSKY
    Producteur : Lewis M. ALLEN
    Production : Janus Films

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