Un film de Martin SCORSESE | Comedie-Dramatique | États-Unis | 1983 | 109mn
Rupert Pupkin rêve de devenir le nouveau roi du rire. Employé des télécommunications, il passe l’essentiel de son temps à répéter des numéros comiques et à traquer les célébrités pour compléter sa collection d’autographes. Un soir, il parvient à approcher son idole Jerry Langford, un présentateur de talk-show humoristique qui lui suggère de contacter sa secrétaire. Le lendemain, Pupkin déboule au bureau de Langford, persuadé qu’il va passer à la télévision. Après s’être fait rembarrer plusieurs fois, Pupkin décide d’employer la manière forte et met au point un stratagème avec la complicité de Masha, une fan dérangée…
Sortie en salles le 18 mai 2011
Après le succès de Raging Bull, Martin Scorsese surprend en réalisant une critique acerbe de la médiatisation et de ses dérives psychotiques. Le cinéaste retrouve son acteur fétiche, Robert De Niro, qui campe un personnage halluciné et imprévisible, aussi drôle qu’inquiétant. Tout comme Travis Bickle, le protagoniste de Taxi Driver, Rupert Pupkin prépare son coup d’éclat : peu importe la manière, il doit passer à la télévision ! Face à lui, le génial Jerry Lewis incarne un grand professionnel du rire, célébrité sympathique aux yeux du public mais odieux misanthrope en privé. Plus qu’une comédie, le film est un portrait troublant du fan-system et de ces individus rendus fous par la gloire éphémère des autres. Sommet méconnu de la collaboration Scorsese – De Niro, La Valse des pantins demeure l’un des films les plus hilarants et les plus brillants de Martin Scorsese.
STALKER (mot anglais qui peut être traduit par "rôdeur") : Un individu qui en traque un autre, souvent une célébrité, dans le but de l’espionner, de le harceler ou de le menacer.
Bien que le projet de La Valse des pantins lui ait été apporté par Robert De Niro, Martin Scorsese partage un lien personnel avec le sujet. En 1976, son film Taxi Driver change la vie d’un certain John Hinckley Jr. qui tombe amoureux du personnage de la prostituée jouée par Jodie Foster. L’homme traque la jeune star, lui écrit des lettres et l’appelle au téléphone, allant même jusqu’à
déménager pour vivre près de chez elle. Le 30 mars 1981, dans un ultime geste de folie pour attirer l’attention de Foster, John Hinckley tente d’assassiner le président Ronald Reagan. Arrêté, il demeure en résidence psychiatrique depuis 30 ans.
« Après Raging Bull, je suis redevenu nerveux. Pour moi, ce film était un film de kamikaze : j’y avais tout mis et je pensais que ce serait mon dernier film. Je pensais partir tourner des films documentaires à Rome sur la vie des saints – j’avais appris des choses nouvelles à leur propos. Je pensais me reconvertir dans le documentaire. J’étais encore un peu insatisfait. J’aimais Raging Bull, et j’avais encore en moi l’énergie que j’avais mise dans ce film sans vraiment savoir ce que j’allais en faire.
Alors Bob a fait de nouveau son apparition en me proposant La Valse des pantins. Il m’a dit : "C’est un film que tu pourrais tourner à New York, très rapidement. Tu ferais ce que tu veux." J’y ai réfléchi. Puis j’ai eu l’idée de Jerry Lewis, que j’ai rencontré à Las Vegas et à Los Angeles. Ensuite, j’ai choisi Sandra Bernhard. J’étais encore un peu affaibli par Raging Bull. J’avais une pneumonie, que j’ai guérie pendant un séjour à Rome. (…)
Bob m’avait donné le scénario dix ans auparavant et je n’avais alors pas bien compris le sujet, mais dix ans plus tard, je saisissais mieux les personnages de Jerry et de Rupert à cause de ce que j’avais vécu entre-temps. Lui avait senti ces choses dès le départ parce qu’il était déjà une star. Le film est, je pense, plutôt réussi. Principalement grâce aux acteurs qui sont merveilleux.
Je voulais faire deux choses : tourner aussi vite que possible, et surtout réduire mon style à quelque chose de très retenu, avec des plans très simples dans leur composition qui donneraient l’impression que les personnages y sont comme enfermés. Créer une tension. À cette époque, j’étais assez perplexe face à une certaine tendance visuelle dans le cinéma. Certains critiques parlaient de films en disant : "On pourrait en prendre un plan et l’accrocher au mur comme un tableau."
J’ai pensé à certains vieux films, qui ont un éclairage assez plat, des plans simples et qui pourtant sont très puissants et émouvants. Les films d’Ozu par exemple. Je ne voulais pas imposer au public des
effets techniques. Le sujet permettait ce parti pris parce que c’était une comédie de moeurs. Je voulais que les plans ressemblent à de la télévision. Michael Chapman, qui n’a pas fait l’image du film, m’avait dit que ce serait impossible parce que j’avais un oeil trop sophistiqué. C’est peut-être vrai, mais j’ai tenté quelque chose d’autre sur ce film.
(…)
Je voulais me discipliner et devenir vraiment un réalisateur. Je ne dis pas ça par fausse modestie. Je voulais me sentir capable de mettre en scène des sujets qui n’étaient pas les miens, et voir jusqu’où je pouvais me les approprier. »
paru dans Les Cahiers du cinéma n°500 (mars 1996)
Né en 1942 à Flushing (Long Island) au sein d’une famille d’immigrants siciliens, Martin Scorsese fréquente les salles de cinéma dès son plus jeune âge. Vivant dans la Little Italy à New York où la religion catholique est très présente, il se destine d’abord à une vie religieuse et fait ses études à Cardinal Hayes High School, avant d’entrer à l’Université de New York en 1963. Durant son cursus, il se passionne pour les cours d’histoire du cinéma, et réalise ses premiers courts métrages.
Ses premiers films sont à l’évidence influencés par la Nouvelle Vague et le nouveau cinéma américain, et son premier long métrage, Who’s That Knocking at my Door, réalisé en 1969, marque à la fois le début d’une carrière prometteuse, ainsi que sa rencontre avec un de ses acteurs fétiches, Harvey Keitel. Cette même année, il participe au vaste projet du film Woodstock en tant que monteur et assistant réalisateur, puis s’installe à Hollywood où il est employé comme monteur à la Warner Bros. Pictures. Il y rencontre le producteur Roger Corman, grâce auquel il réalise son premier film hollywoodien, Boxcar BerthaBertha Boxcar), dans lequel il dénonce les méthodes des milices du capitalisme durant la dépression économique des années trente. Pour son deuxième long métrage, Mean Streets, sur le thème de la mafia, Scorsese vise un travail de mise en scène plus personnel. Véritable succès critique, le film inaugure également sa longue et fructueuse collaboration avec l’acteur Robert De Niro. En 1973, il réalise Alice Doesn’t Live Here Anymore (Alice n’est plus ici) avec le soutien de Francis Ford Coppola, qui lui permet de se faire connaître cette fois auprès du public. En 1976, Scorsese réalise l’un des plus grands films de l’histoire du cinéma, Taxi Driver, sur un chauffeur de taxi à la dérive, pour lequel il obtient la Palme d’or au Festival de Cannes de 1976.
Scorsese entre ensuite dans une période difficile, durant laquelle il tourne New York New York dans lequel il met en scène Robert De Niro et Liza Minelli, mais le film est un échec. Le cinéaste se lance alors dans la réalisation de The Last Waltz, pour lequel il filme un concert au Winterland de San Francisco, où sont présents quelques grands noms de la musique, tels que Eric Clapton, Neil Young ou Bob Dylan. Le projet met deux ans à sortir en salles, et laisse Scorsese dans un très mauvais état de santé. Il poursuit néanmoins sa carrière, en mettant une nouvelle fois en scène Robert De Niro dans Raging Bull, sur la vie du boxeur Jake LaMotta. Avec ce film, Scorsese se place parmi les plus grands réalisateurs de sa génération et va enchaîner les tournages. Il réalise ainsi The King of Comedy (La Valse des pantins) en 1983, After Hours en 1985 puis The Color of Money (La Couleur de l’argent) en 1986. En 1988, le cinéaste fait crier au scandale avec The Last Temptation of Christ (La Dernière tentation du Christ), tout en remportant les faveurs de la critique, puisqu’il est nominé en tant que meilleur réalisateur aux Oscars.
Grand amoureux du cinéma et surtout de l’histoire du cinéma, Scorsese fonde en 1990 The Film Foundation, pour encourager la restauration et la préservation des films de patrimoine mondial. En 1992, il pousse cette démarche plus loin en créant Martin Scorsese Presents, une fondation qui restaure et exploite les grands classiques du cinéma. Parallèlement à ces activités, il poursuit sa carrière de réalisateur, et enchaîne les succès avec Goodfellas (Les Affranchis) en 1990, Cape Fear (Les Nerfs à vif, 1991) puis Casino (1995). Il participe également à un long documentaire sur le cinéma américain pour le centenaire de la naissance du 7e art, A Personal Journey with Martin Scorsese through American Movies (Un voyage avec Martin Scorsese à travers le cinéma américain), avant de recevoir en 1997 une prestigieuse récompense par l’American Film Institute pour l’ensemble de sa carrière.
En 1998, après la sortie de Kundun, il préside le Festival de Cannes, puis entame le tournage de À tombeau ouvert (1999). Il revient sur les écrans trois ans plus tard, accompagné de l’acteur Leonardo Dicaprio, avec Gangs of New York, film qui obtient le plus grand succès public de sa carrière. Il frappe encore plus fort en 2006 avec un remake du film hongkongais Infernal Affairs d’Andrew Lau et Alan Mak, Les Infiltrés, pour lequel il remporte le Golden Globe Award du meilleur réalisateur ainsi que quatre Oscars, dont ceux du Meilleur réalisateur et du Meilleur film. En 2004, il termine Aviator, sur la vie d’Howard Hugues, et remporte à nouveau toute une série de prix, dont l’élection du Réalisateur de l’Année par le London Film Critics Circle. En 2010, il retrouve à nouveau Leonardo Dicaprio pour Shutter Island, qui rencontre aussi un franc succès critique et public, et prépare une adaptation du roman L’invention de HugoCabret de Brian Selznick pour 2011.
Martin Scorsese figure sans conteste parmi les plus grands cinéastes, avec une filmographie riche et diverse. Réalisateur depuis les années soixante-dix, et traversant les décennies, il fait parti des références de plusieurs générations.
FILMOGRAPHIE SELECTIVE