Artiste japonais discrètement prolixe, Kijû Yoshida a construit en cinquante ans une œuvre exigeante, sensible et érudite, dont on mesure depuis dix ans l’importance dans l’histoire du cinéma.
19 films de fiction et une centaine de documentaires, soutenus par une importante production critique, manifestent l’originalité d’un auteur rétif à toute classification, même s’il a souvent été comparé à des cinéastes européens comme Antonioni, Godard ou Bergman.
Après des études à l’université de Tokyo, où il approfondit son intérêt pour la pensée française et les théories existentialistes, Kijû Yoshida, également connu sous le nom de Yoshishige Yoshida, entre en 1955 au studio Shôchiku. Il y est repéré par Kinoshita, dont il est l’assistant jusqu’en 1960. La même année, il devient avec Bon à rien l’un des hérauts de la modernité cinématographique japonaise, aux côtés d’Oshima et de Shinoda, avec qui il forme la « Nouvelle Vague Shôchiku », à l’instar du mouvement qui bouleverse le cinéma en Europe au même moment.
Porté par la volonté d’abattre les structures usuelles, mais surtout par l’exigence de se mettre soi-même en danger (il théorise à l’époque la nécessité d’une perpétuelle « négation de soi »), Yoshida se montre un expérimentateur inlassable.
Tout en livrant de bouleversants portraits de femmes (Histoire écrite sur l’eau, Le Lac des femmes, Flamme et femme) grâce à son épouse et égérie, la célèbre actrice Mariko Okada, il renouvelle les possibilités narratives et plastiques du cinéma (Eros + Massacre, Purgatoire eroica). Une « éthique de la métamorphose », selon le théoricien Shiguéhiko Hasumi, qui le poussera à s’exiler pendant treize ans loin du Japon et du cinéma, pour visiter l’histoire de l’art mondial au fil d’une série documentaire produite par la télévision (Beauté de la beauté).