Oeuvre révérée par de nombreux réalisateurs coréens contemporains, La Servante est un mélodrame paroxystique et cruel qui met en scène la vampirisation d’une famille ordinaire par une jeune femme diabolique. Entre Jean Genet et Joseph Losey, le film de Kim Ki-young agit comme un révélateur des névroses de la société coréenne : désir d’adultère, machisme domestique, pulsions autodestructrices. Résolument critique, ce conte moderne et noir est chargé d’une énergie du désespoir qui lui confère une virtuosité sans égal. Le cinéaste met en présence des corps prédateurs qui s’épient ou se font épier, et réalise un film presque entièrement tourné en huis-clos dans un décor de maison qui ressemble à une cage de verre. Chef-d’oeuvre d’un grand cinéaste enragé, La Servante est présenté dans une version restaurée en numérique qui nous permet enfin de découvrir ce classique du cinéma asiatique !
« Pour un Occidental, la découverte d’un film comme La Servante, plus de 40 ans après, offre un sentiment merveilleux. Merveilleux non seulement parce qu’on découvre un extraordinaire faiseur d’images en la personne de Kim Ki-young, à la fois auteur et réalisateur, mais aussi parce qu’il s’agit d’une oeuvre absolument imprévisible. Luis Buñuel possédait donc un frère coréen ! […] Ce qui rend La Servante si stupéfiant réside dans l’intensité de la passion entre le compositeur et sa servante, les mécanismes visibles du triangle amoureux composé par le mari, la femme et la maîtresse, et la possibilité, à tout moment, que ce triangle soit perturbé, voire explose, à cause de la longueur inhabituelle d’un plan, ou de l’utilisation pop art des objets du quotidien, ou encore de la présence intrusive du corps féminin… »
JEAN-MICHEL FRODON
Attention : ce film se déroule dans un climat trouble et angoissant pouvant perturber les plus jeunes spectateurs.