Présenté à sa sortie comme la première véritable comédie soviétique, La Vendeuse de cigarettes du Mosselprom est l’un des plus grands succès populaires de 1924 et fut très largement diffusé en Union soviétique, y compris parmi les ouvriers et dans les campagnes. Principalement tournée en décors naturels, cette œuvre, demeurée invisible, est aussi un témoignage sur un paysage urbain exceptionnel, aujourd’hui disparu. Une œuvre étonnante, restaurée numériquement par le laboratoire l’Immagine Ritrovata de Bologne et accompagnée d’une partition originale de Charlotte Castellat et David Lefebvre.
La Mejrabpom-Rus : le « Hollywood russe »
Surnommée le « Hollywood russe » par les étrangers, la Mejrabpom-Rus occupe une place unique dans l’histoire du cinéma soviétique. Fondée en 1924, dans un pays où l’industrie cinématographique venait d’être nationalisée, cette société de production et de distribution semi-privée sut concilier autonomie financière, engagement politique et parti pris esthétiques originaux. Grâce à ses liens avec l’étranger, notamment avec l’Allemagne, et au dynamisme de ses fondateurs, dont le réalisateur Iouri Jeliaboujski, la Mejrapbom fit appel, dès le début, aux plus grands noms du cinéma soviétique : Iakov Protazanov, Vsevolod Poudovkine, Boris Barnet vinrent y tourner respectivement Aelita, la Mère, la Jeune Fille au carton à chapeaux, et poursuivirent ensuite avec de nombreux autres films dont Tempête sur l’Asie ou Au bord de la mer bleue. La Mejrabpom ne se spécialisa pas dans un genre particulier mais sut au contraire allier films d’avant-garde et films populaires, documentaires et fictions, films d’animation et de propagande. Réussite artistique exemplaire, ce studio suscita très vite, en URSS, critiques et réactions et dut constamment résister à la pression des organes de l’État et du parti. Dissoute en 1936, la Mejrabpom laisse un ensemble de films d’une richesse exceptionnelle (plus de 110 fictions et 50 films d’animation), témoignage précieux d’une des périodes les plus inventives de l’histoire du cinéma.
AU SUJET DE LA RESTAURATION DE
LA VENDEUSE DE CIGARETTES DU MOSSELPROM
Pourquoi ?
Ce travail de restauration entend rendre hommage non seulement à une œuvre tout à fait singulière, mais aussi à l’apport généreux du Gosfilmofond – les archives cinématographiques russes. Depuis plus de quarante ans il a toujours été présent pour aider la Cinémathèque de Toulouse à enrichir ses collections – qu’il s’agisse de films soviétiques muets (dont nous possédons aujourd’hui l’une des plus belles collections mondiales), qu’il s’agisse de films français dont certains ont donné lieu ces dernières années à des restaurations (La Grande Illusion, Verdun visions d’histoire…) ou de films d’autres nationalités.
Comment ?
Le film a fait l’objet d’une restauration argentique traditionnelle qui a été confiée au Laboratoire L’Immagine Ritrovata de Bologne. Le matériel originel détenu par la Cinémathèque de Toulouse provient du Gosfilmofond : il s’agit d’un interpositif safety reconstitué dans les années 60, établi à partir d'un élément négatif nitrate et de plusieurs éléments positifs. Hormis de petites réparations sur le film lui-même, les interventions ont porté essentiellement sur le tirage et l’étalonnage du film. Le matériel initial comportait en effet un certain nombre de défauts (double interimage, tirage sur la droite du film laissant apparaître les perforations) qui ont pu être corrigés par un très léger recadrage de l’image. En outre, le film présentait des différences importantes de contraste d’un plan à un autre, voire à l’intérieur d’un même plan, nécessitant une reprise fine de l’étalonnage.